Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

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Fabcat

Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par Fabcat »

Bonjour à tous,

Je ne suis pas du tout mathématicien, aussi ma question va peut-être en choquer certains ! Je ne suis même pas sûr qu'elle ait un sens ! Mais si elle en avait un, et mieux une réponse, alors, ça m'aiderait beaucoup pour un problème sur lequel je bute depuis 8 jours !

Déjà, si vous me le permettez, j'introduis en qq lignes les distributions (c'est sûrement très maladroit, passez directement à ma question, en :arrow: , si vous connaissez tout ça)
Soit $\mathcal{D}$, l'ensemble des fonctions test sur $\mathbb{R}$, i.e., l'EV des fonctions définies sur $\mathbb{R}$, indéfiniment dérivables à support compact.
Alors si $f$ est une fonction localement intégrable sur $\R$, on définit $<f,\varphi>$, où $\varphi$ fonction test, par :
$$ <f,\varphi>:=\int_\mathbb{R}f(x)\varphi(x)dx. $$
On a donc, dans le cas particulier de $f$ dérivable :
$$ <f',\varphi>=-\int_\R f(x)\varphi'(x) dx=-<f,\varphi'>, $$
qui s'obtient en intégrant par parties ($\varphi$ étant à support compact). Et du coup, à chaque fois qu'on aura $ <f',\varphi> = -<f,\varphi'>, $ pour toute fonction test $\varphi$, on dira que $f'$ est la dérivée de $f$ au sens des distributions. Car, eh oui, $f$ va se trouver avoir une dérivée en ce dernier sens, même lorsqu'elle n'est pas dérivable. The exemple : c'est lorsque $f$ est $H$, la fonction de Heaviside : $H(x):=1$ pour $x\in\mathbb{R}_+$, $0$ pour $x<0$ (c'est l'indicatrice de $\R_+$, quoi...) Alors dans ce cas, on se demande si bêtement, on ne pourrait pas donner un sens à :
$$ <H',\varphi>=-<H,\varphi'> $$
En fait, $-<H,\varphi'>=-\int_{\R_+}\varphi'=-[\varphi]_{\R_+}=\varphi(0). $ Et du coup, on peut donner à un sens à $H'$ en tant que dérivée de distribution, on l'appelle distribution de Dirac et on la note $\delta_0$ :
$$ <\delta_0,\varphi>:=\varphi(0) $$
$\delta_0$ n'est pas une fonction, mais peut s'écrire comme limite de fonctions (à l'infini, le « truc » vaut zéro partout, sauf en zéro où on a un pic infini). Un peu plus formellement, il existe une suite de fonctions dérivables (et localement intégrables) $(f_n)_n$ telle que
$$ lim_{n\rightarrow\infty}<f_n,\varphi>=\varphi(0)=<\delta_0,\varphi>. $$

Et de même, $\delta_0$ a une dérivée au sens des distributions, qui est la valuation de $-\varphi'$ en $0$.

:arrow: Mon problème :
En fait, j'aimerais pouvoir écrire si possible la dérivée, au sens des distributions, de fonctions de Heaviside en dimension quelconque. Je m'explique :
Dans $\R^2$, par exemple, soit $H$ la fonction définie par
$$ H(x,y):=\begin{cases} 1 & \text{ si } x+y\geq 1 \\ 0 & \text{ sinon } \end{cases} $$

Et rebelote, on définit $<f,\varphi>$ par $\int_{R^2}f(x,y) \varphi(x,y) dx dy$ lorsque $f$ est localement intégrable, et $\varphi$ fonction test de $\R^2$ (indéfiniment différentiable, à support compact).

Le problème, c'est que même lorsque $f$ est différentiable, je ne suis pas capable d'avancer. Est-ce que ceci est vrai par exemple :
$$ \int_{R^2}\dfrac{\partial f}{\partial x_i}\varphi dx dy=-\int_{\R^2}f \dfrac{\partial \varphi}{\partial x_i} dx dy $$
Et du coup
$$ \int_{R^2}\dfrac{\partial^2 f}{\partial x \partial y}\varphi dx dy = \int_{\R^2}f \dfrac{\partial^2 \varphi}{\partial x \partial y} dx dy $$

Mais plus particulièrement pour ma Heaviside 2D, je me demande si à l'instar de la classique $\delta_0$, il existerait une suite de fonctions différentiables $(H_n)_n$ vérifiant :
1) $H_n$ tend vers $H$ (uniformément ?)
2) $\forall n$, il existe une fonction $f_n:\R^2\rightarrow\R$ telle que $\forall x,y\in\R$
$$ H_n(x,y)=\int_0^x\int_0^y f_n(u,v) du dv } $$

A priori, une telle suite devrait exister (oui, ça reste à justifier). Moi, ce qui me fait peur, c'est plutôt le sens donné à la limite de $(f_n)$, qui serait une dérivée seconde partielle de $H$ (au sens des distributions). Mes questions sont donc
1) D'une part, y a-t-il réellement un sens à parler de dérivation, même partielle, même en un certain sens, de $H$ ? Ce que je veux dire, c'est est-ce qu'une telle limite ne dépendrait pas du choix de la suite $(H_n)$ ? Auquel cas, s'il n' a pas unicité, alors il n'y a pas de limite du tout, la question n'a plus de sens, tout tombe à l'eau, et je passe à autre chose (mais je peux dormir tranquille).
2) Si oui, est-il possible d'expliciter ce « $\dfrac{\partial^2 H}{\partial x \partial y}$ » en termes de fonctions de Dirac sur la droite $x+y=1$, et sans doute de leurs dérivées partielles (puisqu'il y a double dérivation) ?
Tunaki
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Re: Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par Tunaki »

En attendant de vraies réponses (je suis pas un fan des distributions), voici un document intéressant : http://www.cmi.univ-mrs.fr/~rigat/Master/chapitre2.pdf notamment la partie 5 pour tes questions de dérivations.
OG
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Re: Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par OG »

Bonsoir
Fabcat a écrit :Le problème, c'est que même lorsque f est différentiable, je ne suis pas capable d'avancer. Est-ce que ceci est vrai par exemple :
\int_{R^2}\dfrac{\partial f}{\partial x_i}\varphi dx dy=-\int_{\R^2}f \dfrac{\partial \varphi}{\partial x_i} dx dy

Et du coup
\int_{R^2}\dfrac{\partial^2 f}{\partial x \partial y}\varphi dx dy = \int_{\R^2}f \dfrac{\partial^2 \varphi}{\partial x \partial y} dx dy
oui mais pour le 1) $f$ différentiable ne suffit pas, dérivées partielles continues, pour le 2) $f$ un peu plus régulière
encore. Bon évidemment on peut affaiblir la classe des fonctions pour
lesquelles ce genre d'égalité est vraie (les Sobolev) voir Ziemer (weakly differentiable function).

Comme en dimension 1, on peut s'amuser à définir les dérivées partielles au sens des distributions
de ta fonction $H$ et cela coïncide pour la classe des fonctions régulières avec le sens usuel de
dérivation.

Pour ta question 1) : non car sinon la limite serait continue (limite uniforme d'une suite de fonction continue).
Tu peux approcher ta fonction $H$ via la convolution et un noyau régularisant.

Pour définir les dérivées au sens des distributions tu n'as pas besoin de passer par une limite,
donc pas de pb de définition de cette limite.

Pourquoi la question 2) et pourquoi faire ?

bonne soirée
O.G.
Fabcat

Re: Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par Fabcat »

Merci beaucoup à vous deux.
Tunaki, effectivement, le document est relativement court et bien fait. Mes souvenir de maîtrise de maths pures (ça remonte à qq années) me sont revenus assez bien ! Mais ça ne m'apporte pas beaucoup d'aide sur mon problème.

Sinon OG :
OG a écrit :oui mais pour le 1) f différentiable ne suffit pas, dérivées partielles continues, pour le 2) f un peu plus régulière
encore. Bon évidemment on peut affaiblir la classe des fonctions pour
lesquelles ce genre d'égalité est vraie (les Sobolev) voir Ziemer (weakly differentiable function).
Effectivement, cela dit, je limiterai mon masochisme à prendre f de classe $\mathcal{C}^2$ ou $\mathcal{C}^\infty$. Pour les Sobolev, je te crois sur parole (je n'ai jamais réussi à comprendre le fonctionnement/l'intérêt de ces espaces) !
Pour ta question 1) : non car sinon la limite serait continue (limite uniforme d'une suite de fonction continue).
Oui, bien sûr. En fait, on se fiche que la limite soit uniforme. D'ailleurs on se fiche de passer par une limite, OK.
Comme en dimension 1, on peut s'amuser à définir les dérivées partielles au sens des distributions
de ta fonction H et cela coïncide pour la classe des fonctions régulières avec le sens usuel de
dérivation.
Bonne nouvelle, mais on fait comment alors pour $H$ ?
Tu peux approcher ta fonction $H$ via la convolution et un noyau régularisant.
Ah cool :tears:
Bon, je vais essayer de voir ça.
Pourquoi la question 2) et pourquoi faire ?
Alors à la base de tout ça, c'est un problème qui n'a rien à voir avec la théorie des distributions. Je vais essayer d'expliquer très brièvement :
Je travaille sur les indices de pouvoir pour jeux de votes. Mathématiquement, on a $N$ un ensemble fini de votants de cardinal $n$. Un jeu de vote sur $N$ est une application $v$ définie sur l'ensemble des parties (les coalitions) de $N$, à valeurs dans $\{0,1\}$, tel que $v(\emptyset)=0$ et $v(N)=1$, et $v$ monotone ($S\subseteq T\Rightarrow v(S)\leq v(T)$).
On dit que la coalition $S\subseteq N$ est gagnante si $v(S)=1$ (et perdante sinon). L'indice de Shapley-Shubik $\phi$ est une application définie sur l'ensemble des jeux de votes ($N$ fixé), à valeurs dans $\R^{n}$ définit comme suit :
$\phi_i(v)$ représente la proportion des « chaînes augmentantes » de votants (correspondant aux $n!$ permutations des votants) pour lesquelles c'est le votant $i$ qui est décisif. C'est-à-dire pour une chaîne (ou permutation) fixée, on part de la coalition vide, les votants arrivent l'un après l'autre selon la permutation, le joueur décisif étant celui qui en arrivant fait gagner la coalition. Plus explicitement, avec un peu de dénombrement, on a :
$$ \forall i\in N,\quad \phi_i(v)=\sum_{S\subseteq N:i\in S}\dfrac{(|S|-1)!(n-|S|)!}{n!}[v(S)-v(S\setminus\{i\})]. $$

Mon problème (mais je suis peut-être un peu naïf d'espérer y trouver une solution élégante) est de généraliser l'indice de Shapley-Shubik (en particulier) pour des jeux flous : cette fois, les votant peuvent avoir un taux de participation graduel dans une coalition. C'est-à-dire qu'une coalition, floue donc, sera représentée par un vecteur $x\in[0,1]^{n}$, où $x_i$ représente le taux de participation (ou la probabilité de présence) de $i$ dans la coalition. Un jeu flou est donc défini sur $[0,1]^n$, et toujours monotone, à valeurs dans $\{0,1\}$.
Alors bien sûr, inutile d'espérer représenter convenablement l'ensemble des chaînes augmentantes de $[0,1]^n$, enfin moi je n'ose pas y penser. Par-contre, il existe une formule, dans le cas classique, qui donne l'indice de Sh-Sh en fonction de la transformée de Möbius de $v$, qui est une sorte de dérivation discrète.
Précisément, pour tout jeu de vote $v$ donné, il existe une unique application notée $m^v$ définie sur $\mathcal{P}(N)$, aussi, telle que :
$$ \forall S\in\mathcal{P}(N),\quad v(S)=\sum_{T\subseteq S}m^v(T). $$
(La formulation explicite de $m^v$ n'est pas très compliquée :
$$ \forall S\in\mathcal{P}(N),\quad m^v(S)=\sum_{T\subseteq S}(-1)^{|S|-|T|}v(T).\ ) $$
Et l'indice de Sh-Sh peut alors s'écrire :
$$ \forall i\in N,\quad \phi_i(v)=\sum_{S\subseteq N:i\in S}\dfrac{m^v(S)}{|S|}. $$

Or, cette formule me paraît bien plus indiquée pour l'extension du discret au continu. Mais avant ça, il me faudrait donc donner un sens à $m^v$ lorsque $v$ est jeu flou. Ce qui m'amène donc à considérer que je devrais avoir

$$ v(x)=\int_{[0,1]^n}m^v(t) dt. $$

Et Heaviside là-dedans ? Et bien, le point commun évident est d'abord que $v$ est aussi à valeurs dans $\{0,1\}$. Ensuite, dans le cas classique, il existe une classe particulière de jeux de vote : les jeux pondérés, où chaque votant possède un poids positif, et où la coalition sera gagnante si la somme des poids des votants la constituant est supérieure à un certain seuil fixé d'avance pour le jeu (par exemple, pour un jeu majoritaire, le seuil sera la moitié de la somme de tous les poids). Et ce qui est rigolo là-dedans, c'est qu'on peut associer à tout jeu de vote pondéré un hyperplan de $\R^n$ qui sépare les éléments de $\{0,1\}^n$ correspondants aux coalitions gagnantes, des autres (les coalitions perdantes).
Et bien entendu, la généralisation des jeux de votes pondérés au cas flou, va donner ces fonctions de Heaviside généralisées. Par exemple, avec $n=2$, un jeu de vote pondéré, dont le joueur $1$ a la fonction de poids $t\mapsto2t$ (son poids est proportionnel à son de degré de participation (ou probabilité de présence) $t$), le joueur $2$ a la fonction de poids $t\mapsto3t$, et le seuil exigé pour avoir une coalition floue gagnante est, admettons, de $4$. Ici, le jeu $v$ est donc l'application définie sur $[0,1]^2$, qui à $(x,y)$ associe $1$ si $2x+3y\geq4$, et $0$ sinon.
Donc apriori, $m^v$ serait ici la dérivée partielle (dans un certain sens) $\dfrac{\partial^2 v}{\partial x\partial y}$.

Bon, y a des gens intéressés pour être co-auteur d'un papier là-dessus ? :mrgreen:
Dernière modification par Fabcat le vendredi 18 juin 2010, 15:50, modifié 1 fois.
Fabcat

Re: Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par Fabcat »

Bon, je comprends qu'autant de clarté dans mon exposé de la situation vous laisse sans voix...
Après réflexion, il me semble que la situation est légèrement plus simple que prévue, et je pense que je n'aurai besoin de ne considérer des dérivées partielles de $H$ que d'ordre $1$ (i.e. déterminer seulement les $\dfrac{\partial H}{\partial x_i}$).

Cela dit, j'ai d'abord besoin d'un résultat intermédiaire, qui devrait s'obtenir assez classiquement (s'il est vrai...). Je conjecture en effet que :

Soit $f$ une fonction différentiable sur un ouvert de $\R^n$ contenant $[0,1]^n$, vérifiant $f(0,\dots,0)=0$ et $f(1,\dots,1)=1$. Alors
$$ \sum_{i=1}^n \int_{0}^1 \dfrac{\partial f}{\partial x_i}(t,\dots,t) dt = 1. $$

Aucune idée pour montrer ce truc, qui me paraît bon, pourtant. À votre avis ?
oleanet
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Re: Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par oleanet »

Cette égalité est effectivement triviale, car la somme que vous écrivez n'est autre que:
$$\int_0^1 g'(t)dt\text{ avec }g(t)=f(t, \cdots,t)$$
Fabcat

Re: Heaviside généralisées et dérivation distributionnelle

Message non lu par Fabcat »

Ah quel andouille ! Merci oleanet !
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